Le Vol à Voile et l’UCL
Les lointaines origines du vol à voile : l’étude du vol plané animal
1506 Léonard de Vinci
Dès 1506, après observation du vol à voile des rapaces en
montagne, Léonard de Vinci publie un traité intitulé : « Del
volo senza batter ali per favor de vento » (du vol sans
battement d’aile avec l’aide du vent).
Quoi qu’il y eut dans le passé plusieurs tentatives
humaines de vol avec battement d’ailes, appelé à
l’époque vol ramé, les scientifiques présents parmi les
pionniers des premiers vols humains arrivent vite par le calcul
à la conclusion que le poids ainsi que la musculature de
l’homme ne permettent pas le vol par battement d’ailes
à l’images des oiseaux.
1884 John Montgomery
S’il est vrai que de nombreux chercheurs
s’élancèrent la plupart du temps d’une colline avec
un engin ailé, pour réaliser un bond non contrôler qui se
terminait en général par de la casse, c’est finalement un
brillant professeur californien, John Montgomery, ornithologiste
et aérodynamicien, qui, en observant les oiseaux voiliers, et en
particulier le goéland, conçoit un planeur avec lequel il
s’élance du sommet d’une colline et réalise le
premier vol humain, le 17 mars 1884, en parcourant un vol plané
de 200 mètres sous contrôle, suivi d’un atterrissage en
douceur.
A court de ressources financières, il arrête là ses recherches
et expériences pour ne les reprendre qu'en 1903 avec le concours
de la Compagnie de Jésus !
Entre-temps, la « concurrence » ne reste pas inactive et
particulièrement de ce côté ci de l’Atlantique.
1891 Otto Lilienthal
L’ingénieur allemand, Otto Lilienthal, publie en
1889 un ouvrage sur le vol des oiseaux et la résistance de
l’air. Cet ouvrage sera considéré comme le point de
départ de la science aérodynamique. Avant de le rédiger, il se
donne le temps de vérifier non seulement les écrits de Léonard
de Vinci mais également des publications de référence plus
récentes et plus particulièrement les études menées par le
lyonnais Louis Mouillard.
Lilienthal conçoit et fait voler plusieurs types des
planeurs entre 1891 et 1896. De plus, performance
incontestablement remarquable pour l’époque, il effectue
avec succès plus de 2.000 vols planés durant cette période de
cinq ans en introduisant progressivement des améliorations comme
le contrôle en vol à l’aide de gouvernes mobiles.
C’est lors d’un de ces essais qu’il est victime
d’un accident mortel, le 10 août 1896.
A juste titre, il est considéré aujourd’hui comme
étant le père de l’Aviation.
1903 Les frères Wright
Se basant sur les études de Lilienthal, les frères Wright construisent un premier planeur avant de concevoir un appareil motorisé qui réussit, le 17 décembre 1903 à Kitty Hawk en Caroline du Nord, le premier décollage au monde d’un aéronef équipé d’un moteur à explosion.
Historique du développement en Belgique et à l’U.C.L.
1923 Les pionniers belges
Il faut attendre 1923 pour entendre parler des premiers vols
sans moteur en Belgique, réalisés par Victor Simonet et le
capitaine Lambert, au départ des collines de Remouchamps.
En juillet 1925 se déroule sur les falaises de Vauville,
près de Cherbourg, un meeting expérimental sur le vol à voile
avec la participation de trois pilotes belges. Les planeurs
qu’ils utilisent sont conçus et fabriqués en Belgique. Le
major belge André Massaux y établit un nouveau record du monde
de durée avec un vol de 10h41, le 26 juillet 1925, sur planeur
Vivette conçu par Poncelet et construit par la SABCA. Cet
exploit n’aura cependant que peu d’impact sur la
formation de clubs de vol à voile en Belgique. Sans doute est-ce
en partie dû au fait que son collègue et ami, Victor Simonet,
se tue le même jour à la suite d’une rupture de la
profondeur de son planeur.
L’influence allemande
Le traité de Versailles avait interdit aux Allemands la
pratique du vol à moteur. Ils se rabattent sur le vol sans
moteur et entreprennent en parallèle de nombreuses études
d’aérodynamique au sein des fameux « Akademische
Flieggruppe ». La future Luftwaffe y trouvera plus tard une
source de recrutement inestimable pour elle, mais pas
nécessairement pour nous!
En 1930, l’allemand Wolf Hirth, célèbre pionnier et
constructeur de planeurs, entreprend de parcourir la planète
pour encourager le développement du vol en planeur et démontrer
le possibilités de ce nouveau sport.
Patron de l’école de vol à voile qui fonctionne à
la Wasserkuppe, La Mecque du vélivole en Allemagne, c’est
chez lui que Suzanne Lippens, une Belge enthousiaste de
l’aviation et déjà détentrice depuis 1928 de la licence
de pilote d’avion, acquiert son brevet de pilote de planeur.
Fille du Ministre des Transports et des Communications de
l’époque, Maurice Lippens, et mère de l’actuel
Bourgmestre de Knokke, Léopold Lippens, elle est la première
femme belge à obtenir son brevet élémentaire de pilote de
planeur en 1930 et le brevet C en 1932.
Dès 1929, la famille Lippens avait invité Wolf Hirth à venir
faire une démonstration en Belgique. C’est l'époque où
les ascendances d’origine thermique sont encore peu
prospectées. Le vol le long d’une pente en utilisant
l’ascendance d’origine dynamique lui est par contre
préféré car mieux connu.
Il s’agit donc de sélectionner un endroit assez central
afin d’y amener un maximum d’enthousiastes ainsi que
d’autorités civiles et militaires.
Au Nord-Est de Louvain existe une colline de sable appelée
Kesselberg, mieux connue par les vieux louvanistes sous le nom de
« Kesselseberge ». C’est là que le 23 janvier 1930, Wolf
Hirth tient l’air durant 1h 3min 5sec, sur planeur « Kassel
» devant une foule nombreuse, d’autorités civiles et
militaires ainsi que de professeurs et d’étudiants de
l’U.C.L. Ce vol, qui suscite à l’époque énormément
d’enthousiasme, catalyse le développement des clubs de Vol
à Voile en Belgique et le mensuel belge « La Conquête de l'Air
», revue officielle de l'Aéro-Club Royal de Belgique, la plus
ancienne revue d’aviation au monde, fondée en 1904, titre
même : « Le Vol à Voile possible en Belgique » !
1931 L’U.C.L. à l’avant plan
Dès l’année suivante, le 11 mars 1931, le «
Cercle Universitaire Catholique de Vol sans Moteur » voit le
jour devant notaire à l’initiative des personnes suivantes
:
Le professeur à l’U.C.L. et ingénieur Albert
Coppens,
Monsieur Jean de Wauters d’Oplinter
Monsieur Maurice Lebbe, étudiant à l’U.C.L.
Monsieur André Goethals, étudiant à l’U.C.L.
Sous la présidence d’André Goethals, étudiant
ingénieur, un premier planeur , un « Kassel 12 », est acquis
pour la somme de 6.000 F grâce à la générosité de la firme
Vander Elst. Il est baptisé « Miss Belga » et Monseigneur
Ladeuze procède à sa bénédiction le 20 janvier 1932 tandis
que Suzanne Lippens effectue le vol inaugural à Evere.
Par la suite, les activités ont lieu au champ des
manoeuvres, à la Porte de Parc, appelée plus tard « Plaine
Philips ».
Selon le témoignage de feu André Goethals : « Après des
débuts enthousiasmants et prometteurs, le vol à voile en
Belgique et les activités du club de Louvain en particulier,
connurent une certaine accalmie due au fait que l'on se fatiguait
assez vite du vol plané et que les possibilités du véritable
vol à voile n'étaient pas encore très connues ». La guerre de
1940-1945 signifie l’arrêt de toute activité aérienne
sportive et il faut attendre la fin de la guerre pour voir
renaître à Louvain une activité vélivole sous la forme
d’une association entre étudiants et Louvanistes
enthousiastes. Ce club baptisé « Dijle Zwaluw » (Hirondelle de
la Dyle), quoiqu'ayant entrepris la construction d'un planeur,
débute ses activités grâce à du matériel récupéré
en Allemagne.
Remisé dans les caves de l'Institut des Sports et Education
Physique de l'Uiversité, le matériel sera sauvé de justesse
d'une grave inondation. Le jeune club devra toutefois renoncer à
ses activités ... par manque de moyens financiers, le niveau de
vie de l'époque n'étant pas loin de ce qu'il est aujourd'hui !
1954 Revoici Wolf Hirth
En juillet 1954, à Camphill dans le Derbyshire, se
déroulent les Championnats du Monde de Vol à Voile, avec
participation pour la première fois depuis la fin de la guerre,
d’une équipe allemande. Les conditions météo sont
exécrables. Il fait froid dans le village de tentes et le seul
endroit sec et chaud se trouve être le bar de l’aérodrome.
Un prestidigitateur amateur amuse l’assemblée en mal
d’épreuves volantes. Dans un coin, un monsieur aux cheveux
blancs propose un verre à quiconque osera l’imiter : il
sort un canif de sa poche, en ouvre la lame et se l’enfonce
dans la cuisse en grimaçant ! Clameurs dans l’assemblée,
mais lui se met à rire aux éclats … il a une jambe de
bois… c’est Wolf Hirth !
Assis par hasard à ses côtés pendant la démonstration,
nous entamons la conversation : son nom ne me dit rien, pas plus
d’ailleurs que celui de Suzanne Lippens également présente
! Mais lorsqu’il apprend que je suis pilote de planeur et
étudiant à l’Université Catholique de Louvain, je vois sa
déception d’apprendre qu’il n’y existe plus
d’ « Akademische Flieggruppe ». Il me raconte son vol à
Louvain en 1930 ainsi que la création, à la suite de sa
performance, de plusieurs clubs de vol à voile en Belgique dont
celui des étudiants de l’UCL en 1931. « Voyons, ce n'est
pas pensable, vous devez recréer un club à l'Université de
Louvain, schnell schnell bitte » ! Me voilà donc embarqué dans
ce que les étudiants appelleraient aujourd’hui un projet
mais qui à l’époque, s’identifie plutôt à une
aventure car il faut non seulement acquérir du matériel volant
mais également créer un aérodrome et cela sans aucun moyen au
départ. Il faut savoir qu’à cette époque, les étudiants
tant de Gand que de Liège, Bruxelles et même Mons, disposent
d’un aérodrome sportif à proximité de leur ville et
qu’ils y ont accès à une activité sur planeur ou avion.
L’étude du projet d’aérodrome au Kesselberg à
Kessel-lo est très avancée lorsque l’administration de
l’aéronautique marque son opposition au projet à cause de
la proximité de l’aérodrome de Melsbroek et de son
expansion vers Zaventem en prévision de l’expo 1958 ! Une
alternative près des casernes et ex-champ des manoeuvres à
Héverlée connaît le même sort.
1956 A.N.C.U.P.A. Section de l’UCL
Le 10 novembre 1956 cependant, le Recteur Magnifique de
l’UCL, Monseigneur H. van Waeyenbergh, bénit le planeur «
Rhönbussard » qui concrétise le redémarrage d’un club «
bilingue » de vol à voile au sein de l’UCL. La cérémonie
se déroule sur l’aérodrome de Gand où se tient
l’assemblée générale de l’A.N.C.U.P.A. (Association
Nationale de Cercles Universitaires de Propagande Aéronautique
a.s.b.l.). C’est sous le sigle A.N.C.U.P.A. section de
l’UCL que l’embryon de club démarre ses activités.
Comme sur son prédécesseur en 1932, le planeur arbore une
publicité en faveur des cigarettes Belga, mais en plus de la
famille Vander Elst, d’autres sponsors interviennent comme
les Brasseries Artois et la Compagnie des Métaux d’Overpelt
et de Corphalie ainsi que la firme Intair.
Les activités volantes se déroulent d’abord en
week-end à l’aérodrome de Grimbergen. Le CNA (Club
National d’Aviation), qui y est installé, accepte en effet
d’y encadrer le jeune club d’étudiants. A
l’époque, le trafic aérien était très faible, surtout en
week-end, et il n’était pas rare, ni interdit, de se
retrouver en planeur au dessus de l’aérodrome de Melsbroek
! Les rares avions de transport qui en décollaient en week-end
nous saluaient au passage en battant des ailes et nous leur
rendions la politesse. Hélas, l’accroissement du trafic dû
à l’expo 58 chasse de Grimbergen les planeurs qui sont
obligés de se réfugier à Temploux.
1959 Aeroclub Leuven v.z.w.d.
En 1959, le jeune club est obligé de se constituer en
a.s.b.l. s’il veut être reconnu par la Fédération Belge
de Vol à Voile d’une part et d’autre part avoir accès
à du matériel volant mis à disposition des clubs belges à des
conditions avantageuses par le Centre National de Vol à Voile !
Contrairement au vice-recteur, Mgr. Litt, favorable au vol à
voile, le recteur, Mgr. van Waeyenbergh, craint d’engager la
responsabilité civile de l’UCL dans un sport aérien. Il
s’oppose donc à voir figurer le mot « universitaire »
dans la raison sociale du club. Les statuts sont donc publiés
–en flamand- sous le nom d’Aeroclub Leuven v.z.w.d.
Le siège social est cependant établi à l’Institut
d’Education Physique de l’UCL/KUL au boulevard de
Tervuren et la présidence échoit à Henri Verbeek, ingénieur,
ancien de la KUL et du défunt « Dijle Zwaluw ». Il est
également décidé de déplacer les activités de Temploux vers
l’aérodrome militaire de Tirlemont (Gossoncourt) beaucoup
plus proche de Louvain.
Un accord de collaboration est à cet effet conclu avec le club
tirlemontois « Le Milan », en voie de reconstitution après sa
disparition en 1940. Cependant, les conflits d’intérêts
entre les deux clubs obligent les louvanistes à retourner à
Temploux en 1964.
1964 L.U.A.C. v.z.w.d. et A.C.U.L. a.s.b.l.
C’est finalement grâce à l’intervention de H. De Meulder, ingénieur, nouveau président du Club et Professeur tant à l’UCL qu’à la KUL que l’université accepte la modification de la raison sociale du Club en Leuvense Universitaire Aeroclub v.z.w.d. dont l’appellation française est publiée au Moniteur sous le nom de Aéro-Club Universitaire de Louvain, a.s.b.l. Les statuts quant à eux restent inchangés.
1977 L’A.C.U.L. à Louvain-la-Neuve
Le Club compte 5 planeurs en 1977, année où le «
splitsing » de l’université devient effectif pour les
activités sportives, avec déménagement vers Louvain-la-Neuve
de l’aile francophone de l’institut d’Education
Physique et des Sports. Les planeurs sont partagés et
l’ACUL doit remplacer progressivement le matériel perdu.
Malgré tous les appuis possibles du Professeur Woitrin,
Administrateur Général de l’UCL, les années qui suivent
s’avèrent parfois pénibles.
En effet, au fil des ans, le matériel est devenu de plus en plus
sophistiqué et cher. Le planeur biplace d’écolage qui en
1970 coûtait 250.000 f (6.250 €), revient en 1977 à 1.500.000 f (37.500 €) et à
62.500 € (2.500.000 f) aujourd’hui !
En 1978, un nouveau projet d’aérodrome au sud de
Louvain-la-Neuve, appuyé par le Professeur Woitrin, est refusé
car dans l’axe de la piste de l’aérodrome militaire de
Beauvechain.
Aujourd’hui, le matériel volant du Club est
désormais reconstitué et se compose d’un excellent planeur
biplace plastique ASK-21, de deux bons planeurs
d’entraînement Ka-8B et d’un Ka-6E qui fût le
meilleur planeur de performance de construction classique (bois
et toile) ainsi que de deux Discus B, le premier acquis en 1997, le second en 2004.
Il convient de préciser qu’en plus de ces 6 planeurs, le
club compte 9 autres planeurs plastiques, propriété de certains
membres.
Les activités volantes ont lieu à l’aérodrome de
Saint-Hubert, désormais seul endroit en Belgique où les
possibilités existent de voler tous les jours, essentiellement
du 1er avril au 30 septembre.
L’ACUL accueille les pilotes au minimum détenteurs
d’un brevet élémentaire (brevet B). L’écolage
permettant l’accès à ce brevet se donne à
l’aérodrome de Saint-Hubert, au Centre National de Vol à
Voile au cours d’un stage de 15 jours.
Pour les hésitants, un baptême de l’air en planeur
biplace peut permettre de se faire une idée du plaisir et du
silence du vol sans moteur.
Denis Nootens